Presse

Musiques et Cultures Digitales n° 49 - Nov/Dec 2008

TRANCE, l'envers du Vercors

En quelques années, la structure grenobloise Hadra est devenue une référence en matière de trance psychédélique hexagonale. Un constat une nouvelle fois confirmé par la bonne tenue de leur festival annuel qui s'est déroulé à Pontcharra en Isère en juillet dernier. Rencontre avec Driss Bouayad, coordinateur du label et de l'évènementiel.

Peux-tu nous retracer l'historique de l'association Hadra et de ses activités?
La hadra désigne, en arabe, la transe collective telle qu'elle est pratiquéelors des cérémonies de confréries religieuses marocaines, en particuliersles Issawas. Lassociation Hadra est née en 2001. Elle a pour but la promotion des musiques électroniques (plus particulièrement de la trance psychédélique), axée autour de 4 activités principales.
Les événements,en moyenne trois ou quatre par an.
La formation, avec des ateliers dinitiation et de perfectionnement au mix et des ateliers dinitiation à la peinture fluo.
Le label, qui est né en 2004 et qui a pour but de promouvoir et de faire se côtoyer les artistes locaux et internationaux.
Et enfin, le festival, dont nous fêtions cette année la troisième édition.
À traversces différentes activités, lassociation accompagne les artistes locaux enleur proposant de la formation, loccasion de se produire dans les différents événements et de faireconnaître leur talent grâce au label. Artistiquement, Hadra promeut tous les styles de "psytrance" et le concept qui sy attache : un plateau artistique de dimension internationale, des musiciens, décorateurs et VJs venus dici et dailleurs, un univers visuel et sonore unique qui habille deux espaces (une scène principale trance et un "chill out", lieu de détente avec de la musique "ambient").

A t'entendre, valoriser une dynamique culturelle spécifique locale est une vocation essentielle pour une structure comme Hadra ?
Effectivement ! Aux vues de nos difficultés malgré notre professionnalisme et labsence dincidents dans nos évènements depuis nos débuts, nous peinons toujours à trouver des lieux nous sommes forcément impliqués dans la dynamique culturelle locale. Voilà pourquoi Hadra participe depuis trois ans aux discussions sur le projet d'une salle de 800 places à Grenoble. Pour que cette salle naisse en adéquation avec nos besoins, en termes de fréquentation, dinsonorisation, dheure tardive de fermeture, etc. C'est quand même en partie grâce à nous quun espace "chill out" a été ajouté aux plans de la salle.

Concernant ce projet de salle, tout n'a d'ailleurs pas l'air de bien se passer avec la ville de Grenoble ?
En fait, dans loptique de présenter une candidature à la gestion de la salle, Hadra a rejoint un groupe dacteurs locaux des associations et des entreprises, des structures complémentaires par leurs activités qui touchent à l'accompagnement, la formation, le management, l'évènementiel, la diffusion ou la production qui sont rassemblées au sein dune entité : le Pôle Musical dInnovation. Mais voilà, toutes les structures présentes dans ce PMI (Rocktambule, Mark13, Dynamusic,Le Stud, Aphazic, Le Périscope,Agence de la Lune), qui travaillaient darrache-pied pour la scène locale, sensibilisant ainsi un public devenu fidèle, se sont vu refuser la gestion de la salle par la mairie de Grenoble ! Le pôle restera néanmoins un collectif actif dans la mutualisation des moyens et le montage de projets communs, toujours avec lambition daider et de développer la scène locale.

Concernant le festival annuel Hadra, pourquoi s'est-il déplacé de l'ancien site à proximité du barrage de Serre-Ponçon, qui était excellent ?
Les deux premières éditions du festival s'étaient bien déroulées à Chorges,dans les Hautes Alpes, mais malheureusement, suite à des contraintes techniques, comme un gros projet de travaux sur les zones demplacements qui nous servaient de parking, faire une nouvelle édition là-bas nétait plus possible.

Du coup, vous vous êtes replié sur Pontcharra. Comment se sont passées les discussions avec les autorités locales pour l'obtention du site ?
La particularité de cette édition, cest que nous avons travaillé en étroite collaboration avec une association charapontaine : lespace jeunes Gaia qui a pour objet de permettre aux jeunes de prendre en main leurs projets, leurs envies, leurs besoinsGaia a aidé au quotidien à organiser ce grand rendez vous musical. Un soulagement au niveau logistique ainsi que dans les dialogues avec les élus locaux ou dans lorganisation de la communication locale. Sans Gaia, la troisième édition naurait pas vu le jour ! Mais il y avait une réelle volonté de la part de la Mairie dinstaller ce Festival International de Musique Actuelle sur la commune de Pontcharra.

Les résultats en terme d'affluence ont-ils été conformes à vos attentes et permettent-ils de solder le coût d'une telle organisation événementielle ?
Notre festival a rassemblé 3991 festivaliers venus des quatre coins de la planète mais cela n'a pas suffi à équilibrer notre budget. La situation financière de notre structure est très difficile actuellement. Mais nous estimons que ce type d'évènements a toute sa place dans la région. Il y a une véritable attente vu le nombre de participants accueillis en juillet dernier alors que nous avions à peine quatre mois pour préparer l'évènement. Encore une fois, nous payons le prix fort pour la reconnaissance et le développement des musiques électroniques. Et nous le répétons encore une fois, les mesures de sécurité imposées par la préfecture sont disproportionnées pour un évènement de cette capacité.

Justement, j'ai noté dans les discussionssur le forum qui ont précédé le festivalque le terme de "festival" était particulièrement souligné, au détriment du terme "rave-party". Pourquoi le refusersi abruptement alors qu'à mon sens une certaine filiation s'opère quand même ?
Tout dabord une "rave-party" nesétale pas sur plusieurs jours mais simplement sur une soirée, à la différence dun festival qui dure dans le temps et qui donc est loccasion de développer différentes activités (village de stands, spectaclesde feu, etc.). C'est loccasion aussi de perdre la notion du temps pour se laisser porter par la musique et le rythme de la nature, lespace de quelques jours Malheureusement,le terme "rave" a une connotation très négative, essentiellement véhiculée par les médias. Cela effraie, alors quune "rave party", au sens strict, signifie une "soirée où lon samuse lon samuse, où lon délire"; rien daussi négatif que ce que pensent les médias !

Quels sont les projets à court et moyen terme ?
Nous venons d'organiser, avec Rock-tambule, la Dub nTrance, le 25 octobre dernier au Summum à Grenoble, avec Asian Dub Fondation, Hiligh-tribe, GMS Une rencontre du dub et de la trance ! Dans le futur, nous aimerions continuer dans ce sens,avec des rencontres musicales, en laissant leur place dans notre festival aux musiques des tribus Aissaouas, par exemple. Ça apporterait une dimension nouvelle, dans la plus pure tradition de la transe. Du point devue du développement, on aimerait que nos artistes acquièrent une certaine notoriété qui leur permettrait de se professionnaliser. Et toujours les formations : nous voulons les développer encore plus, pour que toutes les pratiques liées à la musique électro (la vidéo, la décoration, la composition, le mix) se démocratisent, offrant à chacun la possibilité de les découvrir et de les pratiquer en toute liberté.

Propos recueillis par LAURENT CATALA

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