Merci à Jeff pour ce long article
retrançant l'histoire de notre mouvement depuis
son origine sur les lointaines plages de Goa.
Comme il le dit lui-même, le but
premier est de présenter une vue d'ensemble de
son histoire en ce concentrant son l'aspect musical.
Nul doute que nombre d'entre nous y trouverons une mine
d'information ! «
Nous sommes réunis autour d’un feu sur la
plage d’Anjuna, à Goa. Ce qui était
bien quand nous sommes arrivés ici et que les lieux
étaient encore préservés, c’est
que nous avons créé un style de vie combinant
les meilleurs aspects de l’Orient et de l’Occident.
Nous avons redéfini les rituels tribaux ancestraux
pour le XXI° siècle, et avons essayé
d’utiliser les parties comme biais pour faire accéder
les gens à la transe par la danse. Rien de nouveau
ici, cela a été pratiqué par tous
les groupes tribaux depuis la nuit des temps. Vous savez,
utiliser la musique et la danse pour évoquer les
esprits célestes, chacun se régénérant
ainsi, de même que la Terre. Nous avons développé
une idée similaire qui pourrait être adoptée
par le jeunesse d’aujourd’hui. »
Goa Gil
La publication d’articles,
de livres accessibles à un large public et concernant
les musiques électroniques modernes est très
récente. Il a fallu attendre environ une décennie
avant de voir des sociologues se pencher sérieusement
sur le mouvement Techno au sens large[1]. Jusqu’au
milieu des années 90, l’image d’Epinal
de « musique de drogués » prédominait
dans tous les esprits, et personne n’allait voir
plus loin. Encore aujourd’hui, une bonne part
de la production écrite sur le sujet traite principalement
des ravages de la drogue dans la communauté des
ravers. Heureusement, quelques esprits curieux se sont
intéressés de plus près aux origines,
fort complexes, de cette musique, qui ne sert pas uniquement
de toile de fond sonore à des expériences
hallucinogènes comme certains voudraient le faire
croire.
Un genre particulier de musique de
danse électronique peine, peut-être encore
plus que les autres, à sortir de ces clichés
: la Trance Psychédélique. Style de musique
encore confidentiel - sauf en Israël - où
les ventes d’albums dépassent très
exceptionnellement le millier d’unités,
la Psytrance porte un nom qui renvoie immanquablement
aux années hippie et à leur drogue fétiche,
le LSD. Double malchance sémantique… Cependant,
comme pour les autre formes de « Techno music
», la Trance Goa possède une histoire singulière,
tant au niveau de son apparition que de son développement,
ainsi qu’une signature musicale particulièrement
marquée.
Avec 3.800 artistes, 3.600 disques
référencés et 360 labels[2], une
rétrospective s’impose, dix ans après
la sortie de la première compilation du genre.
D’où vient ce courant musical ? Qui en
sont les figures historiques ? Quelles sont ses spécificités
par rapport aux autres genres électroniques ?
Quel est son avenir ?
Bien évidemment, le terme
« Trance Psychédélique »
n’a pas été choisi au hasard.
Même si certains considèrent qu’il
ne s’agit que d’une appellation commode
inventée pour des raisons commerciales, on
peut apprendre pas mal de choses sur ce que l’on
peut attendre de cette musique à travers ces
deux mots mystérieux, psychédélique
et transe.
Que signifie « psychédélique
» ? (source : Encyclopaedia
Britannica)
Le terme « psychédélique
» est apparu dans la correspondance entretenue
durant les années 50 entre deux pionniers de
l’étude des drogues psychoactives : Humphrey
Osmond, un psychiatre britannique qui a étudié
l’effet de la mescaline et du LSD sur des alcooliques
au Canada, et Aldous Huxley, l’auteur anglais
du « Meilleur des Mondes » (1932) et de
« The Doors of Perception » (1954). Tous
deux recherchaient un mot pour décrire les
effets des drogues qu’eux-mêmes prenaient,
et Osmond suggéra en 1957
« psychédélique », à
partir de deux mots grecs, « psyche
» (âme ou esprit) et « delein
» (rendre visible) ou « deloun »
(montrer ou révéler). Il illustra son
utilisation dans un vers : « To fathom hell
or soar angelic, just take a pinch of psychedelic.
»
Ce terme met l’accent sur la conscience accrue
de son environnement et de son propre corps qui résulte
de la prise de drogue – en bref, une expansion
de la conscience.
Dès le départ, les scientifiques qui
ont étudié les effets des drogues psychédéliques
ont remarqué la façon dont elle modifiait
la perception de la musique, causant parfois une forme
de synesthésie, en l’occurrence l’ illusion
de percevoir les sons sous forme de couleurs.
Albert Hoffmann, le chimiste suisse qui synthétisa
pour la première fois le LSD, avait remarqué
que sous son influence, « chaque son générait
une image vive et mouvante avec sa propre forme et
sa propre couleur. »
La musique psychédélique, apparue avec
des groupes comme les Pink Floyd dans les années
60, s’inspirait largement des hallucinogènes
et tentait de recréer les états
induits par la drogue à travers l’utilisation
de guitares vrombissantes, de feedbacks amplifiés
et de motifs mélodiques inspirés par
la musique orientale. En remplaçant la guitare
par une TB303, on retrouve à peu de choses
près la définition de la Goa Trance…
Il serait donc très naïf
de nier le lien fort unissant la Psy Trance et la
drogue, en particulier le LSD. Mais ceci étant
dit, trois attitudes sont possibles. La première
consiste à dire que cette musique ne peut être
comprise que si l’on est défoncé.
La seconde prétend au contraire que «
la drogue, c’est la musique », entraînant
les expériences psychédéliques.
Enfin la troisième se situe entre les deux
précédentes. Quelle que soit la réponse
correcte, pour autant qu’il en existe une, le
problème de la drogue dans la scène
Psy dépasse de toute façon le cadre
de cet essai.
Que signifie « transe
» ? (source : The
Trance Institute)
Une transe est un type particulier
d’ état dissocié.
C’est la façon habituelle dont l’esprit
sépare les événements se déroulant
en même temps, comme conduire tout en écoutant
la radio. Avec une transe profonde, il y a davantage
de concentration, d’intensité. Une transe
est toujours créée par une attention
limitée portée sur un unique élément.
Normalement lorsque l’on fait ça, les
pensées se répètent et on finit
par s’ennuyer ou par planer. La transe
est donc toujours produite par une répétition
cyclique de pensées.
Les transes sont en fait très répandues,
avec une grande variété d’intensité,
depuis lire un livre, rêvasser, regarder la
télévision jusqu’au transes intenses
des yogis ou des mystiques. Il y a des transes plus
ou moins complexes, mais une boucle initiale se retrouve
toujours à la source de l’état
de transe.
Un des effets de la transe est que l’attention
limitée qui lui est associée cause une
inhibition de certaines fonctions mentales comme le
jugement critique, la volonté, la mémoire…
Dans le même temps, la créativité
ou les facultés de visualisation peuvent être
accrues.
Une transe hypnotique est une forme spécifique
de transe dans laquelle une partie de la boucle est
reliée à un stimulus extérieur
à l’esprit, comme par exemple lorsqu’on
se retrouve sous l’emprise d’un hypnotiseur.
Ce dernier tire profit de l’inhibition de certaines
facultés mentales pour transformer ses suggestions
en stimulus qui seront acceptées sans votre
consentement habituel. Il est assez simple de produire
une musique induisant une transe. Il suffit de combiner
trois ou quatre rythmes engageants.
Néanmoins, la plupart des musiques dites transe
n’en contiennent que deux, rarement trois. Des
rythmes répétitifs peuvent paraître
ennuyeux, mais c’est précisément
cet ennui qui conduit à la transe. Pour optimiser
l’effet, la boucle initiale doit légèrement
évoluer au cours du temps. Dans certaine forme
de musiques transe, il existe plusieurs boucles plus
ou moins subtiles. Cela peut permettre d’atteindre
une attention encore plus intense.
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